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Casus Belli
10 mars 2006

L'exportation de la démocratie et ses limites

vote1L'une des raisons invoquées par les Etats-Unis pour justifier leur campagne militaire en Irak résidait dans la notion d'exportation de la démocratie. Argument imparable pour tout défenseur des libertés publiques, cette notion n'en pose pas moins de sérieux problèmes tant du point de vue théorique que du résultat in situ. A l'initiative du Centre d'Etudes et des Recherches Internationales, plusieurs gros calibres de la pensée géopolitique ont planché jeudi et vendredi à Paris sur le thème de l'éthique et des relations internationales (PDF - 48 Ko).
Fancis Fukuyama, auteur du retentissant essai La fin de l'histoire paru en 1992, fut l'un des plus ardents partisans du renversement de Saddam Hussein et de l'instauration d'un régime démocratique à Bagdad. Aussi son avis était-il attendu alors que la situation en Irak se dégrade dangereusement. Le professeur de l'université Johns Hopkins semble désormais beaucoup plus attentif aux conditions qui rendent possible, ou impossible, la transition vers un régime démocratique. Au nombre de ces conditions, il estime que le niveau de développement économique d'un pays doit être pris en considération avant tout projet visant à y instaurer la démocratie.
Pierre Rosanvallon, professeur de philosophie politique au Collège de France, a jugé cette vision insuffisante car, si elle s'interrogeait sur les conditions de réception d'un projet démocratique de tel ou tel pays, elle faisait l'impasse sur une définition rigoureuse de la notion de démocratie. Or, celle-ci a largement fluctué au cours de l'histoire : suffrage censitaire, suffrage universel accordé dans un premier temps aux seuls hommes, représentation parlementaire, niveau variable des libertés publiques et privées... Au vu de ces variables, quelle démocratie est-il possible d'instaurer en Irak ?
Le professeur de sciences politiques Ghassan Salame, qui manie avec bonheur humour et compétence, a fait part de sa propre expérience. Membre de la mission de l'ONU en Irak, il avait failli périr dans l'attentat du 19 août 2003 qui a détruit le siège des Nations Unies à Bagdad, et tué son représentant Sergio Vieira de Mello. En 1994, il avait publié un essai intitulé Démocraties sans démocrates dans lequel, avec une remarquable prescience, il s'interrogeait sur les différents préalables nécessaires aux transitions démocratique dans le monde arabe : économie, démographie... Douze ans plus tard, il déclare : "J'ai appris que le Département d'Etat vient d'acheter trente exemplaires de ce livre..." Ghassan Salame a également dit sa stupéfaction lorsqu'à l'occasion d'un entretien avec l'administrateur civil de  l'Irak Paul Bremmer, il évoqua la figure incontournable du très influent ayatollah chiite Ali Sistani...  Paul Bremer lui répondit : "Who's this man...?"

Le quotidien londonien The Independent revient, dans son édition de jeudi, sur le rôle joué par les partisans néoconservateurs de la guerre en Irak et leur prise de conscience tardive de l'échec irakien.

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